
Pourquoi Tesla cartonne en Suisse pendant que la France pédale dans la semoule ?
Il est fascinant de constater à quel point Tesla prospère en Suisse, alors qu’en France, malgré un nombre impressionnant de bornes de recharge, l’adoption des véhicules électriques ressemble davantage à une marche forcée qu’à une véritable révolution populaire. Faut-il en conclure que nos voisins helvètes sont infiniment plus riches, plus écologiques, ou simplement plus malins que nous ?
La Suisse, paradis fiscal et automobile
La Suisse est un terrain de jeu idéal pour Tesla. Une fiscalité avantageuse, un pouvoir d’achat vertigineux, et des incitations cantonales qui viennent caresser dans le sens du poil les amateurs de voitures électriques. Certains cantons exonèrent carrément les heureux propriétaires de toute taxe automobile. Pendant ce temps, en France, on assiste à une valse hésitation digne d’un bal de province : un bonus-malus qui s’amenuise d’année en année, un stationnement parfois gratuit, parfois pas, et des réglementations qui donnent l’impression que l’État cherche à encourager l’électrique... sans trop se priver des juteuses taxes sur les carburants.
Les taxes pétrolières, le nerf de la guerre
Et parlons-en, de ces taxes sur les produits pétroliers, cette manne providentielle dont nos gouvernants peinent à se passer. La Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques (TICPE) a rapporté la bagatelle de 30,5 milliards d’euros en 2022, soit 1,15 % du PIB français. Une goutte d’eau, dites-vous ? Un filet de pétrole, plutôt, dont l’État n’a nullement l’intention de se priver. On comprend mieux pourquoi l’électrique avance à petits pas chez nous. Trop rapide, cette transition, et c’est un trou abyssal dans les recettes publiques. Résultat ? Un nombre record de bornes de recharge, mais des aides qui fondent comme neige au soleil. Voilà qui s’appelle ménager la chèvre et le chou, ou plutôt, ici, la batterie et le diesel.
Allemagne, Espagne, États-Unis : le yo-yo des aides publiques
L’Allemagne, elle, a fait un drôle de tour de passe-passe en supprimant brutalement ses aides aux véhicules électriques en 2023, avant de réaliser que le marché s’effondrait et de proposer un retour aux incitations, mais cette fois, de manière plus ciblée. Une tactique qui rappelle un mauvais tour de magie : maintenant tu les vois, maintenant tu ne les vois plus ! L’Espagne, fidèle à sa tradition administrative alambiquée, a supprimé son Plan Moves III et tente maintenant de bricoler un système centralisé pour relancer les aides. Bref, une navigation à vue, façon brume de Galice.
Aux États-Unis, les choses sont plus simples. Un crédit d’impôt fédéral de 7 500 dollars, agrémenté de subventions locales dans certains États, permet aux consommateurs de s’offrir un Tesla Model Y avec le sourire. Mais là encore, tout dépend d’où l’on se trouve. Essayez d’acheter un véhicule électrique dans le Wyoming, et vous comprendrez vite que l’avenir appartient toujours au bon vieux pick-up à essence.
Prix des véhicules électriques et pouvoir d’achat : un monde à plusieurs vitesses
En matière de pouvoir d’achat, la Suisse survole les débats avec un PIB par habitant parmi les plus élevés du monde et une concentration de millionnaires qui ferait pâlir n’importe quel ministre des Finances européen. La France et l’Allemagne suivent à distance, tandis que l’Espagne traîne la patte, avec un revenu moyen qui explique en partie pourquoi les voitures électriques y restent un luxe. Et que dire du prix des véhicules ? Si une Nissan Leaf s’arrache à 21 000 euros en Espagne après aides, elle flirte avec les 43 000 euros en Suisse, et se paie 26 900 euros en France. Encore un signe que, pour certains, rouler électrique est une question de moyens bien plus que d’écologie.
L’incohérence française : des bornes en pagaille mais pas d’aides adaptées
Le paradoxe français atteint son apogée lorsqu’on met en parallèle l’abondance de bornes de recharge et la réticence à pousser franchement les aides à l’achat. La France est l’un des pays les mieux équipés d’Europe, avec plus de 150 000 points de recharge publics, devant l’Allemagne et très loin devant l’Espagne. Et pourtant, la transition est à la traîne. On peut donc se poser la question : à quoi bon bâtir un réseau si performant si, au final, personne ne peut vraiment se payer le véhicule qui va avec ? Un coup de génie ou un gag budgétaire ?
La voiture électrique est-elle vraiment écologique ?
Ah, la voiture électrique, ce chevalier blanc censé nous sauver des affres du réchauffement climatique. Mais derrière cette image immaculée se cache une réalité plus nuancée. Certes, une fois sur la route, ces véhicules affichent des émissions de CO₂ quasi nulles. Cependant, leur fabrication, notamment celle des batteries, laisse une empreinte carbone loin d'être négligeable.
Avant même d'avoir parcouru le moindre kilomètre, une voiture électrique porte déjà une "dette" carbone. Selon l'Ademe, cette empreinte est 2 à 3 fois supérieure à celle d’un équivalent thermique. Mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. À l'usage, la tendance s'inverse. En France, où l'électricité est majoritairement produite grâce à des sources peu carbonées comme le nucléaire et l'hydroélectricité, une voiture électrique émet entre 5 et 10 g de CO₂ par kilomètre parcouru, contre 150 à 200 g pour une voiture thermique. Ainsi, après un certain nombre de kilomètres, la voiture électrique compense sa "dette" initiale et devient plus vertueuse que son homologue thermique.
Et qu'en est-il des batteries, ce cœur technologique tant décrié ? Bonne nouvelle : les procédés actuels permettent de recycler jusqu'à 95 % des composants d'une batterie, y compris les métaux précieux comme le lithium, le cobalt et le nickel. De plus, des initiatives voient le jour pour réutiliser ces batteries en fin de vie, notamment pour le stockage stationnaire d'énergie, prolongeant ainsi leur utilité avant le recyclage final.
Vers un futur incertain : écologie ou rentabilité ?
Pendant ce temps, en Suisse, on ne se pose pas ce genre de questions existentielles. On achète, on recharge, on roule. L’écologie, oui, mais avec classe et sans se priver. En France, on continue à jongler entre des politiques contradictoires et un attachement viscéral aux pompes à essence. Tant que les taxes rapportent, pourquoi se presser ? Et si un jour l’électrique s’impose vraiment, il suffira de taxer les recharges. Après tout, il ne faudrait pas déséquilibrer les finances publiques pour une simple question de transition écologique.
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